Parce que l’époque est à l’image,
et que je viens du mot.
Parce qu’ils exhibent leurs visages pour exister,
et que je me retire pour demeurer
Je me cache, non par timidité.
Mais parce que je sais ce que le regard fait.
Il ne reçoit pas — il classe.
Il ne comprend pas — il soupèse, jauge, consomme.
Je me cache parce que je les connais.
Je les ai vus rire des justes, mépriser les sobres,
acclamer les vides et lapider les lucides.
Ils ne regardent pas pour voir,
ils regardent pour confirmer ce qu’ils savent déjà.
Je me cache parce que je ne suis pas une posture.
Je suis un axe.
Et un axe n’a pas besoin de visage,
il a besoin de tenue.
Je me cache parce que je veux que l’idée survive à l’ego,
que la phrase ne soit pas salie par la bouche,
que le projet ne soit pas réduit à l’homme.
Je me cache aussi parce que j’ai peur.
Pas d’eux.
Mais de ce que leur regard pourrait faire à ma parole.
Je ne veux pas devenir “celui qui…”
Je veux que ce que je fais tienne après moi. Sans moi.
Et qu’un jour, s’il ne reste rien,
il reste cela : un texte, un acte, une proposition.
Je ne les hais pas.
Mais je les connais trop.
Leur ironie par défaut.
Leur besoin de simplifier ce qu’ils ne comprennent pas.
Leur rejet de tout ce qui échappe à la case.
Je sais que si je m’expose,
ils ne verront pas mon travail.
Ils verront ma chemise. Ma bouche. Mon âge.
Et ils rateront l’essentiel.
Alors je me suis effacé.
Pas comme un vaincu.
Comme un veilleur.
Et pendant qu’ils regardent les écrans,
Je tiens la ligne.
Dans l’ombre.
Avec soin.
Avec hauteur.
Et un jour,
ils ne verront peut-être toujours pas mon visage.
Mais ils vivront dans ce que j’aurais contribué à rendre possible.
Je me cache, aussi, parce que je suis en guerre, et que ceux qui s’exposent tombent les premiers.
Je me cache,
parce que je suis là.
Et que je veux le rester.