« Encore un instant, Monsieur le bourreau ! »

Ils sont partout et ne dirigent rien.

Universitaires subventionnés, présidents d’associations culturelles, « experts » en médias, sociologues de service, professeurs en quête de reconnaissance, écrivains subventionnés, éditorialistes intellos à carte de presse. Tous gravitent dans une épaisseur molle où le pouvoir ne s’exerce jamais directement, mais où l’ordre dominant se reproduit à l’infini.

Ils ne sont ni méchants, ni brillants. Ils sont utiles.

Ils neutralisent le débat, enveloppent l’échec, mettent des mots sur le vide pour qu’il paraisse habitable. Leur rôle ? Maintenir en l’état ce qui vacille. Leur outil ? La parole crédibilisée par les titres, les diplômes, les fonctions. Leur salaire ? Le confort d’être encore là, encore invité, encore consulté.

« Conclave ». « Imaginaire collectif ». « Mémoire de Matignon ».

Chaque mot pèse. Chaque mot camoufle. Le texte est calibré. Il nomme l’échec en le sacrant méthode. Il décrit une « méthode enfermante » pour aussitôt la dire « nécessaire ». Il évoque « la fébrilité » des acteurs sans jamais remettre en cause leur légitimité. Il note la « défiance » du peuple tout en poursuivant le rituel. Il cite Valls, Leprédour, Rocard comme on cite des reliques : pour voiler le néant.

Le style est feutré. Le fond est absent. Mais la fonction est préservée.

Ce n’est pas un complot. C’est une infrastructure.

Ceux-là ne dirigent pas les négociations. Ils dirigent la perception.

Leur pouvoir ne tient ni à la force ni au suffrage, mais à une économie de l’attention organisée par le système lui-même.

Qui les paie ? Subventions publiques, emplois universitaires, consultations publiques, piges régionales, plateaux « citoyens », colloques, invitations ministérielles.

Pourquoi ? Parce que le système a besoin d’eux pour éviter de se regarder en face.

Ils créent un nuage sémantique où l’on ne distingue plus la cause de la conséquence, le fait de l’émotion, la parole de l’action. Ils sont les chroniqueurs du lent naufrage.

Ils disent : « Il faut renouer le dialogue ». Mais ils ne disent jamais : avec qui, sur quoi, dans quel cadre, avec quelle clef de sortie.

Ils disent : « Une méthode inspirée de 1988 ». Mais ils taisent que l’époque a changé et que la situation est devenue ingouvernable.

Ils disent : « Imaginaire collectif ». Mais ils évitent de décrire le réel.

Leur ambition secrète ? Que tout change pour que rien ne change.

Et pendant qu’ils parlent, les structures tombent, la confiance s’écroule, la parole publique se dévalue.

Mais ils poursuivent. Car tout le monde a besoin d’eux pour faire semblant encore un peu.

Alors ils rédigent, modèrent, interviennent, animent. Jusqu’à ce que le silence les dévore.

Ils auront tout accompagné sauf la vérité.