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La honte, la culpabilité, et la paix : ce que les peuples ne disent pas, mais vivent

Les anthropologues anglo-saxons – notamment Ruth Benedict – ont posé une distinction puissante entre trois types de cultures morales : celles fondées sur la peur, celles gouvernées par la honte, et celles intériorisées par la culpabilité. Cette tripartition permet de lire autrement les conflits qui secouent la France et la Nouvelle-Calédonie. Et de comprendre pourquoi seule une Double Reconnaissance (DR) peut encore éviter la rupture ou le mensonge permanent.

I. Trois régimes moraux pour trois formes de contrôle social

L’Occident moderne a valorisé l’individu autonome, responsable, capable de juger ses actes selon une conscience morale intérieure : c’est la culture de la culpabilité. Ici, on se demande : « est-ce juste ? suis-je cohérent avec mes principes ? »

Dans les cultures de la honte, répandues dans les sociétés tribales, communautaires ou claniques, l’essentiel n’est pas ce que vous avez fait, mais ce que les autres pensent que vous avez fait. La règle est sociale, non morale. Il ne s’agit pas d’être bon, mais de ne pas être déshonoré. Le groupe prime sur l’individu. Le regard du clan, de la tribu, du chef coutumier ou du cercle familial est le véritable tribunal.

Enfin, les cultures de la peur, fondées sur la répression physique, la domination brutale ou l’arbitraire, imposent l’ordre par la menace. C’est le stade dégradé du politique : celui du silence, de la ruse, de la soumission extérieure.

II. La culture kanak, une culture de la honte assumée

La culture kanak traditionnelle est une culture de l’ordre communautaire, du lignage, de l’interdiction et du devoir rituel. Elle produit une vie collective très réglementée, dans laquelle le comportement est jugé par le collectif avant d’être pensé par l’individu. Ce n’est ni un défaut ni une vertu en soi : c’est un fait anthropologique.

La priorité est la face. Ce qui se dit en public doit protéger l’apparence du clan. La vérité n’est jamais nue, elle est négociée. Le pardon est collectif. La parole est rare. Et quand le déshonneur survient, on se tait ou on s’efface, mais on ne reconnaît pas.

Cela explique aussi pourquoi, dans les milieux militants kanak ou coutumiers, le mensonge assumé peut être un moyen de ne pas perdre la face, même publiquement. On tient parole quand la parole a été posée solennellement, dans un cadre ritualisé. Mais hors de ce cadre, la parole est réversible. Ce n’est pas de la trahison : c’est la plasticité sociale de la honte.

III. L’Occident culpabilisé face à la honte des autres

La France républicaine moderne est en crise. Elle est passée de la culpabilité morale à la culpabilité historique. Elle cherche à se racheter sans fin. Elle défend le droit, mais cède au chantage affectif. Elle veut l’universel, mais rampe devant les communautés. Elle ne comprend pas que certaines cultures ne sont pas construites sur la même colonne vertébrale morale.

Alors les incompréhensions s’accumulent. Le débat devient impossible. Car on ne dialogue pas entre une culture qui cherche le juste, et une autre qui cherche l’intact.

IV. La Double Reconnaissance comme solution morale et politique

La DR repose sur une idée simple mais radicale : ne pas vouloir fusionner les peuples ni les psychés. Accepter que les rapports à la vérité, à la faute, à la parole donnée, à l’autorité ou à la déshumanisation sont différents selon les matrices culturelles.

La paix n’est possible que si chacun est reconnu dans sa logique profonde : le peuple kanak dans sa mémoire de l’humiliation collective, le peuple français dans son besoin de justice intérieure. Cela ne signifie pas relativiser tout. Cela signifie créer des espaces de cohabitation réelle, où les mots ne mentent plus.

La Double Reconnaissance est la seule proposition qui assume ce que l’on tait partout ailleurs : que la paix se construit en respectant les logiques mentales des peuples. Pas en les niant.

Conclusion

Vous ne transformerez pas une culture de la honte en une société de la vérité par des lois. Vous n’obligerez pas une communauté fondée sur le regard des autres à se dévoiler comme un citoyen républicain. Et vous n’aurez jamais la paix si vous refusez de voir cela.

La paix viendra le jour où chaque peuple se sentira reconnu dans ce qu’il est. Et qu’on cessera de lui demander de devenir ce qu’il ne sera jamais.

 

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