Prétexte
On parle beaucoup d’effondrement ces jours-ci : institutions, économie, école, famille, République. Mais on oublie de nommer ce qui a rendu cela possible. Ou plutôt : ceux qui l’ont rendu possible. Car derrière le chaos français, il y a une génération qui n’a jamais voulu regarder la vérité en face. Elle a préféré vieillir comme on prolonge une illusion. Et nous lègue un pays crevé.
Propos
La génération des boomers – ces enfants nés entre 1945 et 1960 – a connu une chose rare dans l’histoire : la paix, la croissance, l’État-providence, la société de consommation et la libération sexuelle, tout cela en même temps. Ce fut leur chance.
Mais au lieu de bâtir sur cette base solide, ils ont cru qu’elle durerait éternellement. Ils ont transformé l’héritage en rente. Ils ont vécu dans l’abondance comme si elle n’avait pas de fin, et dans la liberté comme si elle n’avait pas de prix.
Cette génération a gouverné la France depuis les années 1980. De Mitterrand à Macron, en passant par Chirac, Jospin, Hollande, Sarkozy ou Bayrou, c’est toujours le même logiciel : éviter la rupture, refuser le tragique, repousser les décisions.
Ils ont ralenti les réformes, augmenté la dette, déstructuré l’école, fonctionnarisé l’économie, subventionné les clientèles, abaissé le niveau, vidé la nation de son autorité. Et toujours avec le même sourire : “on a le temps”.
Analyse
Le plus frappant, ce n’est pas ce qu’ils ont détruit. C’est ce qu’ils ont refusé d’assumer.
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Ils ont détrôné le père, mais n’ont pas voulu l’être à leur tour.
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Ils ont déconstruit l’autorité, mais pas pour éduquer à la liberté – seulement pour jouir tranquilles.
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Ils ont remplacé la transmission par l’émotion, l’histoire par l’indignation, le citoyen par le consommateur.
À force d’adorer la jeunesse éternelle, ils ont tué le vieux monde sans jamais donner naissance à un monde adulte.
Ils ont rêvé d’un avenir sans dette, d’un progrès sans limites, d’un vivre-ensemble sans frontières. Et aujourd’hui que la réalité revient, ils accusent les jeunes de ne pas y croire.
Mais comment croire à une France solide, quand on n’a connu que des chefs de clan, des présidents postmodernes, et des ministres de la parole creuse ?
L’esprit boomer a remplacé la colonne vertébrale par la colonne « opinion ».
Chute
Ils finiront comme ils ont vécu : sans demander pardon.
Mais qu’ils sachent ceci : la France réelle ne leur doit plus rien.
Leur art d’éviter la vérité a produit une société sans repères, sans courage, sans avenir. Et pendant qu’ils s’accrochent à leurs places, à leurs primes, à leurs apparitions télévisées, le pays se vide de son âme.
La génération qui a fui la mort, le père et le réel finit par ne plus rien transmettre.
Elle n’aura pas d’héritiers, seulement des huissiers.
Qu’ils vieillissent donc, ces boomers siliconés ; qu’ils contemplent leur reflet sans ride dans le miroir de l’abîme, et qu’ils comprennent, trop tard, qu’ils ont tué leurs pères sans jamais devenir les leurs.