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Ce que la France est… et ce que nous avons oublié

Le 15 avril, près de 500 Calédoniens sont venus écouter un professeur parler de France, de droit, et de ce que l’on a oublié.

Pas de média. Pas de communication. Pas un centime d’argent public. Et pourtant, la salle était pleine. Un mardi soir. Sous la pluie.

Ce texte n’est pas un compte-rendu. C’est un miroir. Et peut-être, qui sait, un basculement. Car la dignité a changé de camp.

Le début de tout : le CRC

Il faut commencer par eux. Le CRC, Collectif de Résistance Citoyenne, est né dans les jours qui ont suivi les émeutes de mai 2024. À l’origine, ce n’était rien d’autre que des voisins vigilants : des pères et des mères de famille, des habitants de quartier, parfois de jeunes retraités, parfois des jeunes sans parti, qui avaient compris une chose simple : plus personne ne viendrait les protéger. Mais au lieu de se refermer, ils ont décidé de s’ouvrir. Ils ont voulu réfléchir. Comprendre. Se structurer. Et au lieu d’un cortège ou d’un clash, ils ont choisi de parler. Leur premier grand acte public n’a pas été une marche, ni une pétition, ni une revendication identitaire. Leur premier acte a été d’organiser une conférence de droit public sur l’état de la France et de la Nouvelle-Calédonie.

Quelques mois plus tôt, Mediapart titrait sur le CRC et “les Loyalistes qui maintiennent la pression et les tensions” en Calédonie. Dans ce récit parisien, nourri d’images floues et de témoignages anonymes, les collectifs citoyens devenaient des milices, et les quartiers vigilants des camps retranchés. On annonçait des armes. On sous-entendait des réseaux. On suggérait la peur. Et pourtant, quand le CRC a organisé son premier grand acte public, il n’y a eu : ni cagoule, ni nervis, ni slogans. Il y a eu un professeur de droit, un pupitre, des citoyens assis, et deux heures de réflexion partagée. Ce n’était pas la tension. C’était la République, quand elle cesse d’avoir peur de la pensée.

Alors disons les choses simplement :

  • Soit le CRC est une organisation para-militaire qui se déguise en faculté de droit.
  • Soit ce qu’on vous raconte depuis un an est un mensonge.

L’esprit du 15 avril

Il pleuvait. C’était un mardi. Rien n’était prévu pour que ce soit un succès. Et pourtant, à 18h, la salle La Pérouse du Méridien affichait complet : près de 500 personnes. Pas de publicité. Pas de page sponsorisée. Pas de soutien institutionnel. Pas de places réservées aux médias. Et pour cause : il n’y en avait pas. Seulement : un événement Facebook discret, quelques groupes WhatsApp, des messages entre amis, collègues, voisins.

Et surtout, le besoin d’entendre autre chose. D’entendre autrement. Ce soir-là, la République s’est tenue droite. Sans drapeau. Sans com’. Sans vantardise. Juste avec la parole.

Déroulé : le poids des mots, la légèreté du ton

La soirée commence par quelques minutes d’introduction sobres et justes de Willy Gatuhau et d’Élisabeth Nouar. Puis Éric Descheemaeker intervient. Il parlera pendant 50 minutes.
Suivront plus d’une heure d’échange avec Nouar, puis le public. La surprise ? Ce n’était pas pesant. C’était dense, oui. Mais clair. Et souvent drôle. Éric fait rire la salle à plusieurs reprises. Avec l’élégance de celui qui n’attaque personne – mais démonte les mensonges christnachtiens avec une précision d’horloger. Et Élisabeth Nouar, venue bénévolement, sans micro, sans antenne, a tenu son rôle de journaliste. Elle a posé les bonnes questions, relancé avec rigueur, accompagné avec justesse. Ce soir-là, la voix aux couleurs de la France, c’était elle. Sans artifice. Sans posture. Simplement, en donnant la parole à quelqu’un qui la méritait.

Ce que la France est…

Le professeur Éric Descheemaeker n’a pas plaidé. Il n’a pas conquis. Il a posé les choses. Comme on trace des lignes claires sur une carte devenue floue :

« La Nouvelle-Calédonie est sur la ligne de front entre deux conceptions de la France :
celle d’un pays européen recentré, et celle d’une République transocéanique assumée. »

Depuis 1946, on dit que la France est “présente sur trois océans”. Mais dans la tête, dans la langue, dans l’administration, tout reste ramené à Paris. On dit « en France » pour dire “en métropole”. On dit « la France et la Nouvelle-Calédonie » — et ce seul “et” révèle l’impensé. Car si Nouméa est en France, alors Paris n’est plus “la France” : elle en est simplement la capitale. Cette contradiction n’est pas un détail. Elle est le nœud de toutes les tensions : politiques, symboliques, identitaires. La vérité est là : on ne sait plus ce que nous sommes. Et donc on ne sait plus ce que nous voulons.

Un proto-État sans cap

L’Accord de Nouméa, rappelle-t-il, n’était pas un compromis. C’était un mécanisme de sortie. Une trajectoire douce vers l’indépendance. Mais après trois référendums négatifs, cette trajectoire n’a plus de destination. Et ce qu’il en reste, c’est un proto-État ingérable :

  • Des compétences législatives exclusives ingérables.
  • Trois sources de droit concurrentes.
  • Des statuts spéciaux, des exceptions partout.
  • Une “citoyenneté” bâtarde.
  • Et des élites locales qui vivent de l’ambiguïté.

Trop d’autonomie, sans vraie souveraineté. Trop de flou, devenu rente. Trop d’acteurs qui ont intérêt à ce que rien ne change.

Le « n’ayez pas peur » de Didier Leroux

Didier Leroux était là. Silencieux. Et fidèle à lui-même. En 1998, il avait voté non à l’Accord de Nouméa. Il ne l’a jamais regretté. À la fin de la conférence, il a dit une seule phrase :

« À ceux qui négocient : si l’accord n’est pas bon, n’ayez pas peur de dire non. »

À l’époque, dire non, c’était s’exclure. Le “oui” était la paix. Le “non” était la guerre. Il fallait approuver. Il fallait se taire… Avec Sonia Lagarde, il fut l’un des très rares à ne pas plier. Et 26 ans plus tard, il est encore là. Et toujours debout. Ce mardi, il ne cherchait pas à convaincre ni à plaire. Juste à rappeler que le courage, lui, n’a pas changé de camp.

…Ce que nous avons oublié

Ce que cette conférence nous rappelle, c’est que la République commence par une parole claire. Pas un dispositif. Pas une méthode. Pas un formulaire. Mais une voix qui dit ce qui est. Et qui ose dire ce qui devrait être.

Le 15 avril, il ne s’est pas rien passé. Il s’est passé ce que plus rien ni personne n’ose faire dans ce pays : penser ensemble. Dire les mots justes. Ne pas insulter. Ne pas séduire. Ne plus promettre. Mais éclairer.

Il n’y avait pas de média. Pas d’écharpes. Pas de négociateur. Pas de programme. Pas de grands discours.

Mais il y avait un peuple pensant.

Et un professeur.

Et ceux qui n’ont plus peur de dire non.

Depuis le 15 avril, la dignité a changé de camp.

Et avec elle, peut-être, la Calédonie a recommencé à parler Français.

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