Trois Frances. Un seul pays. Encore un peu.
1. La France qui voit : 35 à 40 % ?
Elle a compris.
Pas hier. Il y a dix ans.
Elle n’attend plus la solution. Elle anticipe la chute.
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Elle habite dans les marges : campagnes, villes moyennes, zones grises.
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Elle a vécu l’hôpital qui s’effondre, l’école qui ment, les rues qu’on évite.
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Elle a vu les visages changer, les drapeaux se replier, les silences s’installer.
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Elle sait que personne ne viendra. Ni l’État, ni l’Europe, ni la République.
Elle est dans l’adaptation.
Parfois dans la rage.
Souvent dans le repli.
Mais elle voit clair.
2. La France qui nie : 40 à 45 % ?
Elle lit Le Monde. Elle regarde C dans l’air. Elle écoute France Inter.
Elle a encore un plan d’épargne, un projet pédagogique, un espoir européen.
Elle croit à la nuance, aux réformes, au retour de la raison.
Elle vit dans les centres, les ministères, les rédactions, les conseils régionaux.
Elle pense que le réel est une question de cadre.
Qu’il suffit d’un Grenelle, d’un colloque, d’un budget de 6 milliards pour réenchanter.
Elle doute sans rompre, vacille sans renoncer, regarde l’effondrement en baissant un peu le rideau.
C’est elle qui tient le pouvoir, les médias, les mots.
C’est elle qui ne tient plus le pays.
3. La France qui s’en cogne : 15 à 20 % ?
Elle n’a pas le temps, pas les mots, pas la carte électorale.
Elle vit au SMIC, à la CAF, à la débrouille, à la crypto, au silence.
Elle n’est pas dans le combat, mais dans l’abstention radicale de la pensée.
Elle n’a ni drapeau, ni camp, ni grief structuré.
Elle veut juste survivre dans l’intervalle.
Parfois jeune, parfois isolée, parfois déracinée.
Elle ne lit pas, ne vote pas, ne croit plus.
Elle n’est pas perdue : elle est déjà ailleurs.
Conclusion
Une France voit venir,
Une autre refuse de voir,
La troisième ne regarde même plus.
Et pendant ce temps,
le pouvoir parle à la deuxième,
en méprisant la première,
et en oubliant la troisième.
C’est comme ça qu’un pays tombe et s’effondre.
Pas d’un coup. Par couches. Par ennui. Par confort.